Vous voilà fatigué depuis des mois, voire des années, et vous finissez par tomber sur le terme de fatigue surrénale après quelques recherches sur internet. Depuis quelques années, la dénomination de fatigue surrénale est reprise dans la sphère des médecines naturelles pour qualifier une fatigue chronique caractérisée par un cortisol faible ou perturbé. Si le fait que le cortisol faible ou perturbé est un fait incontestable (car largement vérifiable grâce à des examens fiables et faciles de réalisation), le terme de fatigue surrénale est trompeur et vous induit en erreur : cette perturbation de votre cortisol n’a rien à voir avec vos glandes surrénales qui seraient devenues « épuisées » ou « fatiguées ». Alors, que se passe-t-il en réalité ? Vous pouvez en apprendre davantage sur ce sujet en consultant cet article sur .
Votre fatigue est bien réelle
De nombreux symptômes caractéristiques reviennent chez les personnes clamant souffrir de fatigue surrénale, parmi lesquels :
- Fatigue
- Insomnie
- Dépression
- Anxiété
- Baisse de libido
- Mauvaise tolérance au stress
- Peau sèche
- Sommeil de mauvaise qualité
- Apathie
- Envies de sucre et de sel
- Infections répétées
- Maux de tête
- Cicatrisation lente
- Irrégularités menstruelles
- Diarrhée
- Constipation
- Chute de cheveux
- Palpitations
- Mains et pieds froids
- Mauvaise régulation de la température corporelle
- Hypoglycémie
- Effort accru pour accomplir les tâches quotidiennes
- Manque d’énergie
- Intolérances alimentaires
- Allergies, etc.
En effet, ce sont des signes typiques d’un cortisol perturbé ou affaibli. Pour autant, cela ne signifie aucunement que le problème provienne des glandes surrénales.
Les glandes surrénales et la « fatigue surrénale »
Les glandes surrénales sont des glandes endocrines du corps situées juste au-dessus des reins. Elles produisent un certain nombre d’hormones, dont le cortisol. Plus précisément, le cortisol est produit et relâché dans la zone fasciculée (qui appartient à la corticosurrénale).
Parmi les autres hormones produites par les glandes surrénales, notons l’adrénaline qui provient de la médullosurrénale (au centre des glandes surrénales). Ces hormones fabriquées et relâchées par les glandes surrénales font d’elles des éléments déterminants dans notre capacité physiologique de réactivité face au stress. Les glandes surrénales, avec leurs hormones, participent à la régulation étroite d’une vaste variété de processus physiologiques qui se déroulent en nous en permanence (contrôle de notre glycémie, régulation de notre métabolisme, action sur le système immunitaire, énergie, gestion du stress, etc.).
Qu’est-ce que le stress ?
La plupart du temps dans notre esprit, le stress est issu d’évènements qui impactent notre psychologie, tels qu’un travail stressant, des conflits dans la famille ou avec nos proches, des problèmes d’argent, des chocs émotionnels ou traumatismes. C’est bien sûr vrai. Cela dit, il existe aussi des stress qui ne sont pas franchement perceptibles et qui pourtant sont aussi de grands acteurs dans la demande en cortisol.
Le stress que subit le corps peut se matérialiser sous formes diverses : mauvaise alimentation, mode de vie inadapté, manque d’activité physique, manque de sommeil, glycémie perturbée, inflammation chronique, infection, troubles digestifs, toxines et toxiques et cetera. En réalité, toute chose qui perturbe l’équilibre du corps est une forme de stress pour l’organisme parce que l’homéostasie est rompue. Lorsque le corps est confronté à un facteur de stress, il déclenche une cascade d’événements appelés « réponse au stress ». La réponse au stress implique une variété de changements physiologiques qui sont coordonnés par l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS ou axe corticotrope) et médiés principalement par les hormones du stress, notamment le cortisol et l’adrénaline. Ces évènements sont conçus pour faciliter l’adaptation aux conditions défavorables en rétablissant l’équilibre au sein du système.
Le cortisol, la DHEA et la fatigue surrénale
L’un des rôles principaux du cortisol est de mobiliser les réserves énergétiques pour les utiliser comme énergie rapide face à une menace perçue ou au manque de ressources disponibles. Cela en fait une hormone catabolique, ce qui signifie qu’elle détruit les tissus, particulièrement pour le cerveau. En guise de mesure préventive, une hormone appelée déhydroépiandrostérone (DHEA) est également libérée par les glandes surrénales et agit pour protéger contre certains des effets destructeurs du cortisol. Ces deux hormones sont naturellement libérées selon un rythme de 24 heures régi par le rythme circadien et, dans des conditions saines, la réponse au stress devrait provoquer la sécrétion de cortisol dans la bonne proportion par rapport à la DHEA.
Le tandem cortisol/DHEA est important, puisque souvent est notée une anomalie de la DHEA concomitante à celle du cortisol, et ce n’est pas un hasard.
L’exposition à des périodes de stress chroniques ou intenses peut induire un état « d’hyperactivité », caractérisé par des niveaux de cortisol constamment élevés (pour répondre aux demandes de l’environnement). Cela semble fausser l’équilibre de ces hormones vers un rapport cortisol/DHEA plus élevé. Dans un contexte où le cortisol est « plat » ou bas d’après les analyses, il n’est pas rare de constater une DHEA anormale aussi. C’est pourquoi une DHEA anormalement élevée ou basse devrait faire l’objet d’investigation plus poussée, en incluant le cortisol.
La fatigue surrénale n’existe pas
En 2016, une revue systématique a démontré que la fatigue surrénale n’existe pas au sens littéral : les surrénales ne diminuent pas leur activité et ne sont nullement épuisées par la demande en cortisol face à un stress chronique. Il a été conclu :
Cette revue systématique prouve qu’il n’existe aucune preuve que la « fatigue surrénalienne » soit une véritable condition médicale. Par conséquent, la fatigue surrénalienne est toujours un mythe.
Toutefois, cela ne signifie pas que vos symptômes sont irréels et qu’il n’y a pas une raison logique et médicale à la baisse de votre cortisol.
Attention toutefois, il existe une pathologie, la maladie d’Addison, qui provoque une atrophie surrénalienne ce qui induit une baisse du cortisol (hypocorticisme), mais cela n’a rien à voir avec la « fatigue surrénale ».
La fatigue surrénale n’est pas un problème de surrénale, mais un problème cérébral !
Comme je le disais plus haut, ce n’est pas parce que la fatigue surrénale n’existe pas en tant que telle, que les symptômes eux n’existent pas. Les symptômes sont bel et bien présents, et les personnes qui en souffrent devraient être entendues et correctement accompagnées pour restaurer une sécrétion de cortisol saine.
Ce qui pose problème dans la « fatigue surrénale », c’est son appellation : non les surrénales ne sont pas épuisées, oui le cortisol est effondré, parce que le cerveau n’envoie plus l’ordre de sécrétion adaptée.
L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (ou axe corticotrope)
En réalité, lorsqu’on parle de « fatigue surrénale », le véritable dysfonctionnement est celui de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Normalement, l’ordre de sécrétion du cortisol part du cerveau. L’hypothalamus ordonne à l’hypophyse de relâcher de l’ACTH, et l’ACTH va stimuler les glandes surrénales à relâcher le cortisol qu’elles ont produit.
Le cortisol suit un schéma de sécrétion circadien, comme toutes nos hormones. Il doit normalement avoir un grand pic le matin, et être au plus bas pendant la nuit. Il sera aussi relâché pour un évènement stressant au cours de la journée. Pour déterminer ce qui est de l’ordre du stress (et qui nécessite donc une sécrétion de cortisol), le cerveau analyse la situation et conclut sur la nécessité de stimuler l’axe corticotrope (menace perçue). Ce ne sont aucunement les surrénales qui jugent cela, c’est bien le cerveau.
Notre cerveau est notre système de contrôle central et nos glandes surrénales suivent simplement les ordres d’en haut.
Diminution du cortisol : mécanisme de protection ?
Plutôt que l’incapacité des glandes surrénales à répondre à la demande, les changements adaptatifs liés aux perturbations hormonales induites par le stress sont le plus souvent initiés au niveau de l’hypothalamus et des glandes pituitaires. Le système de régulation régissant la production d’hormones de stress surrénaliennes (le cerveau) coordonne les changements en réponse aux entrées d’informations internes/externes en tant qu’adaptation à des conditions défavorables. La réponse au stress alloue des ressources métaboliques et modifie la physiologie pour favoriser la survie à court terme de l’organisme – souvent au détriment de la santé à long terme.
Le rétablissement de conditions physiologiques normales après la rencontre d’un facteur de stress a toujours un coût métabolique, il s’agit de la « charge allostatique ». Comprenez qu’un stress léger à court terme est bon et qu’il est essentiel à la survie. Cependant, dans un état de stress chronique, l’épuisement des nutriments et la dégradation des tissus peuvent survenir plus rapidement que leur réapprovisionnement, entraînant des changements semi-pathologiques et des effets destructeurs sur les tissus. Ces effets cumulatifs entraînent une « charge allostatique élevée » et entravent finalement la capacité du corps à réagir et à s’adapter de manière appropriée aux changements de l’environnement.
Des chercheurs ont émis l’hypothèse que l’hypocortisolisme ou « fatigue surrénalienne » pourrait en réalité constituer une adaptation bénéfique et protectrice pour favoriser la survie à long terme. Pourquoi ? Tout d’abord, le cortisol détruit les tissus, notamment la masse musculaire maigre, divers organes et structures cérébrales, en particulier l’hippocampe.
Deuxièmement, le cortisol est un immunosuppresseur puissant, capable de supprimer la fonction des cellules immunitaires et, à terme, d’abaisser l’immunité de l’hôte. Une exposition à long terme à un taux élevé de cortisol suffit à briser complètement les défenses du système et à détruire des organes entiers. Par conséquent, pour protéger le corps contre les infections et la dégradation excessive des tissus, il est possible que le cerveau décide de réduire la production totale d’hormones jusqu’à ce que les conditions s’améliorent. Malheureusement pour de nombreuses personnes, les conditions ne s’améliorent pas et les effets dangereux à long terme d’un faible taux de cortisol peuvent donc commencer à se manifester.
Comment agir sur l’axe corticotrope pour renverser la fatigue surrénale ?
Travailler sur votre rythme circadien
Les troubles du sommeil et un mauvais rythme circadien agissent comme un puissant facteur de stress et sont capables de manière indépendante de perturber l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. L’axe corticotrope est directement lié au rythme circadien, le cortisol suivant un cycle de sécrétion de 24 heures. C’est selon moi le travail le plus élémentaire et déterminant dans cette situation, celui avec lequel on obtient les résultats positifs les plus rapides dès qu’on s’y tient.
Stabiliser votre glycémie
La classification technique du cortisol est celle d’un « glucocorticoïde », ce qui reflète le rôle du cortisol dans le maintien des concentrations de glucose dans le sang. Lorsque le taux de sucre dans le sang chute (comme dans un état de stress), le corps dépend du cortisol pour détruire les tissus musculaires et activer la production de glucose dans le foie (néoglucogenèse). Cela fournit de l’énergie pour une utilisation à court terme, mais peut être gravement préjudiciable à long terme.
Les personnes ayant un mauvais contrôle de leur glycémie (résistance à l’insuline, consommation d’aliments qui augmentent excessivement leur glycémie) peuvent subir un « crash » (baisse de la glycémie) peu de temps après avoir mangé un repas et induire une réponse de cortisol. Le moment des repas est également important, car il a été démontré que les repas du soir provoquent une augmentation plus importante de la glycémie que ceux pris plus tôt dans la journée et augmentent par la suite le risque de sécrétion de cortisol. Par conséquent, une gestion efficace de la glycémie grâce à des interventions diététiques et à des changements de mode de vie devraient aider à cet égard.
Bâtir une résilience de votre système nerveux face au stress
Les émotions associées au stress, telles que le chagrin, la peur, la culpabilité, l’anxiété, l’excitation et la gêne, déclenchent toutes une réponse de l’axe corticotrope et augmentent le cortisol. Des événements tels qu’une prise de parole en public ou une visite chez le dentiste suscitent également des réponses physiologiques similaires. Cependant, la gravité de la réponse et la capacité de guérison sont très individuelles et dépendent davantage de la perception qu’a une personne de l’événement que de l’événement lui-même.
Voici pourquoi il est important d’identifier les aspects de votre vie qui, selon vous, vous causent le plus de stress, puis de trouver des moyens de prendre les précautions appropriées. Bien sûr, il est impossible de prédire quand des événements stressants surviendront dans la vie, et un certain stress est tout simplement inévitable. Cependant, si nous prenons le temps d’observer et d’être honnêtes avec nous-mêmes, nous pouvons très rapidement recueillir des données et avoir un aperçu des différents modèles de comportement qui entourent les sentiments subjectifs de stress.
Par exemple, vous remarquerez peut-être que vous devenez stressé le matin parce que vous vous précipitez pour arriver au travail à l’heure. Dans ce cas, vous pouvez apporter quelques changements simples, comme vous réveiller une demi-heure plus tôt ou préparer votre déjeuner la veille. Ce sont ces changements fondamentaux qui peuvent réellement faire toute la différence lorsqu’il s’agit d’améliorer votre santé.
Traiter les conditions sous-jacentes
Les cytokines proinflammatoires telles que les interleukines 1, 6 et le TNF-alpha agissent directement sur l’hypothalamus pour augmenter la production de cortisol. Le cortisol est un puissant agent anti-inflammatoire et est signalé en cas d’inflammation aiguë ou chronique quelque part dans le corps. Une inflammation chronique de bas grade peut passer inaperçue, mais contribuer de manière significative à la charge allostatique globale. Une inflammation de bas grade peut provenir d’intolérances alimentaires cachées, d’une hyperperméabilité intestinale, de maladies inflammatoires chroniques et de processus auto-immuns, d’une adiposité centrale/obésité, d’une exposition à des moisissures, d’une toxicité chimique, d’une exposition à des métaux lourds ou de toute autre chose que le corps considère comme une menace.
Il a été proposé qu’une exposition à long terme à des cytokines proinflammatoires puisse induire un état de « résistance au cortisol », dans lequel les récepteurs des glucocorticoïdes deviennent moins sensibles et le cortisol ne peut donc pas exercer son action anti-inflammatoire sur les cellules. L’interaction dynamique entre les cellules immunitaires et l’axe corticotrope est bidirectionnelle, ce qui signifie qu’il existe une communication bidirectionnelle. L’inflammation chronique peut provoquer une dérégulation de l’axe corticotrope et un excès d’hormones de stress, tandis qu’une exposition prolongée aux hormones de stress peut également entraîner une inflammation chronique.
Vous faire accompagner
Maintenant, vous savez que la fatigue surrénale n’existe pas à proprement parlé, il s’agit en vérité d’un dysfonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien qui est régi par votre cerveau. Ainsi, la stratégie pour stabiliser la situation et diminuer vos symptômes ne résident pas dans une plante ou un médicament, mais bien dans un remaniement total de votre hygiène de vie, qui comprend essentiellement :
- Le réalignement de votre rythme circadien avec son environnement
- Un travail sur votre système nerveux
- Un ajustement de votre alimentation